Manchest’Art

L’art prend ses quartiers… pour la nuit des musées

Au musée de l’Ardenne, ambiance cool avec le trio Skarp’jazz qui a accompagné jusque tard dans la soirée de samedi le silencieux ballet des visiteurs (dont pas mal de familles avec enfants) ravis de pouvoir pénétrer gratuitement en ces lieux d’ordinaire un peu intimidants.
Pendant ce temps-là, sur la place de Manchester, ça s’agitait beaucoup plus. Carole Charles, la coordinatrice jeunesse du centre social, et toute l’équipe à l’origine de Manchest’art avaient décidé de ne pas annoncer comment allaient être présentées les œuvres réalisées par les habitants du quartier avec la demi-douzaine d’artistes (peinture, sculpture, photo) associés au projet, soit Didier Limbourg, Iza Barrier, Thierry Charles, Anne-Marie de Pasquale, Florence Mégardon et Pauline Caplet.

Soucoupe volante posée sur la place !

Et quand les habitants ont vu se monter vendredi un parallélépipède gonflable blanc de 14 m x 14 m et 6 m de haut (rapidement baptisé « le cube » !)… c’est un peu comme si une soucoupe volante s’était posée sur la place de Manchester !
« On avait le budget, alors on n’a pas voulu faire quelque chose au rabais », explique Carole Charles, en rappelant que Manchest’art était une réponse à un appel à projets de la DDU (Dotation de développement urbain). Ce « musée éphémère » était une totale surprise pour la population. Personne n’avait jamais vu pareille structure dans le quartier, ni même ailleurs dans Charleville-Mézières.
Tout de suite, « l’accrochage » des œuvres des habitants, mêlées à celles des artistes qui avaient animé les ateliers depuis février, a pris une autre dimension. On se serait presque cru sur le parvis de Beaubourg. « Le pari était de ne pas trop en dire à l’avance sur ce cube… mais plutôt de laisser faire le bouche-à-oreille, le réseau, les messages sur Facebook… Et vous voyez, ça a marché ! », commentait Carole Charles.
Certes beaucoup de gens du quartier avaient convergé vers la place de Manchester, mais aussi des personnes de l’extérieur : amis des artistes, proches de l’association Fait maison qui se chargeait de toute la partie petite restauration (bar à soupes, crêpes au maroilles, bière locale…), ou tout simplement mélomanes attirés par le trio jazz-musette belgo-roumain Zongora, installé… au milieu du « cube » !
Mais Manchester n’avait pas viré bo-bo d’un coup… avec l’arrivée de l’ovni blanc. Non, le quartier n’avait pas perdu son âme : l’ambiance restait bon enfant et populaire. Cependant, on sentait bien que la visite collective (un bus !) au centre Pompidou et la pratique de l’art contemporain au quotidien depuis quelques mois, – « pour se définir symboliquement dans la société » comme nous le disait le peintre Didier Limbourg qui est aussi psychologue à la protection judiciaire de la Jeunesse-, avait fait avancer un petit peu les choses et fait sauter quelques verrous.
À minuit, le carrosse du conte n’était pas redevenu une citrouille : grâce notamment à l’aide financière de la caisse d’allocations familiales, il y aura un autre Manchest’art en 2012. Carole Charles, Zahia Tintinger, Yoann Gallard et bien sûr la directrice du centre social, Cathy Stroeymeyt, vont s’y replonger avec plaisir.

Patrick FLASCHGO